Responsabilité sociale des entreprises et les droits de l’homme aux USA

Trois obstacles menacent d’entraver l’efficacité du Pacte sur les droits de l’homme : l’absence de normes juridiquement exécutoires, l’absence d’un mécanisme de surveillance et d’application et le manque de clarté quant à la signification des normes elles-mêmes.

Le pacte mondial

Human Rights Watch estime que le Pacte mondial représente un premier pas positif mais limité. Il pourrait encourager les entreprises à agir de façon responsable, mais seulement s’il est mis en œuvre efficacement. Trois obstacles menacent d’entraver l’efficacité du Pacte : l’absence de normes juridiquement exécutoires, l’absence d’un mécanisme de surveillance et d’application et le manque de clarté quant à la signification des normes elles-mêmes.

Comme vous l’avez noté, le Pacte mondial est un ensemble de principes volontaires. Il ne s’applique qu’aux sociétés qui choisissent d’y adhérer. Il faut donc que le Pacte ne soit pas considéré comme une fin en soi, mais comme un premier pas vers la promotion d’un régime juridique contraignant pour la conduite des entreprises, et que ce régime soit soutenu par un mécanisme d’application efficace. L’élaboration de telles normes contraignantes et de tels mécanismes d’application serait conforme au rôle que l’ONU a traditionnellement joué dans d’autres domaines.

OCDE et ONU

De plus, il existe une dynamique concurrentielle qui décourage certaines entreprises à adopter des normes socialement responsables à moins qu’elles ne soient convaincues que leurs concurrents le feront aussi. Tout comme l’OCDE l’a fait dans le cas de la corruption, l’ONU peut briser cette dynamique concurrentielle en utilisant le forum multilatéral fourni par le Pacte pour élaborer un régime juridique multilatéral contraignant pour les droits de l’homme, les droits du travail et l’environnement.

Contrairement à ce qu’affirment certains, il ne suffit pas de suggérer que les organisations non gouvernementales (ONG) assumeront cette fonction de surveillance et d’application pour que cela soit le cas. Human Rights Watch a consacré d’importantes ressources à la promotion du respect des droits humains par les entreprises, mais ces efforts ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan.

En conjonction avec le Pacte mondial, l’ONU a publié des lignes directrices pour faciliter la coopération entre les Nations Unies et le monde des affaires d’une manière qui assure l’intégrité et l’indépendance de l’ONU. Bien que les lignes directrices interdisent les partenariats avec des sociétés qui sont « complices » de violations des droits de la personne, elles ne définissent pas la complicité. S’attaquent-elles à la complicité de faire des affaires dans un pays qui n’autorise pas les syndicats, ou qui légifère sur la discrimination à l’égard des femmes, ou qui utilise des forces de sécurité abusives pour défendre la propriété des entreprises ? Sans définir le sens de la complicité, on craint que les lignes directrices ne soient appliquées de manière arbitraire et subjective. Pour éviter de se ternir par le biais de partenariats avec des sociétés qui ne font que des vœux pieux en faveur du Pacte, mais qui sont néanmoins complices de violations de ses normes, des définitions claires, fermes et fondées sur des principes de la complicité devraient être élaborées rapidement.

Pour éviter que le Pacte ne devienne un forum d’hypocrisie, l’ONU devrait également mettre au point un mécanisme de surveillance et d’évaluation de la conformité des entreprises. En l’absence d’un tel mécanisme, il y a une possibilité troublante que les lignes directrices soient mal interprétées, mal appliquées ou ignorées. Les entreprises se verraient ainsi attribuer ce qu’elles pourraient qualifier de « label de qualité de l’ONU » sans avoir pris de mesures significatives pour mettre en œuvre les normes du Pacte. Nous espérons que l’ONU s’attaquera à ce problème clair dès que possible. Ce faisant, nous pouvons espérer que l’ONU mettra aussi activement en lumière les meilleures pratiques parmi les entreprises en tant qu’outil pour accélérer le développement d’un comportement socialement responsable.

En respectant les principes du Pacte dans ses décisions d’achat, même de manière limitée, l’ONU pourrait constituer une puissante incitation à la responsabilité des entreprises et renforcer considérablement l’impact du Pacte sur leur comportement. Chaque année, l’ONU passe quelque 135 000 contrats et commandes d’une valeur d’environ 3 milliards de dollars. La valeur moyenne d’un contrat est d’environ 20 000 dollars, mais environ 2 % des contrats de l’ONU valent un million de dollars ou plus. Même si l’ONU ne devait étendre ses lignes directrices qu’aux contrats de plus d’un million de dollars, cela inciterait fortement les entreprises à maintenir des normes élevées.