Et si votre séjour touristique profitait aux populations fragiles et marginalisées ? Et si les dépenses de votre voyage étaient injectées dans une économie de subsistance ? Et si votre séjour aux Etats-Unis faisait fi des péripéties urbaines, des strass et des paillettes pour embrasser une aventure humaine, à la rencontre d’autochtones ? Et si votre autorisation de voyage électronique (ou l’ESTA) vous envoyait en terre Cherokee pour une expérience inspirante et dépaysante ?
Le tourisme responsable… pour éviter l’alternative industrielle dans les zones indigènes
On considère généralement que le tourisme et la prospérité vont de pair. Le visiteur, qui dispose par définition d’une enveloppe budgétaire plus ou moins conséquente à dépenser pour son expérience touristique, « injecte » des fonds dans le circuit économique local de la destination qui l’accueille. Cet apport de fonds est d’autant plus crucial que la destination est habitée par des populations fragiles. C’est le cas des régions peuplées par les Amérindiens et autres populations indigènes aux Etats-Unis, au Canada et au Mexique. Le tourisme responsable implique des séjours respectueux de l’environnement et des populations locales, et s’oriente vers la stimulation de l’économie « directe », sans intermédiaire, par la création d’emplois, la consommation de produits artisanaux et, plus largement, par la dynamisation de l’activité économique.
Le tourisme est un excellent vecteur de prospérité pour les régions sous-développées, que ce soit dans les pays du tiers-monde ou dans les poches périphériques des pays développés. A quelques exceptions près, les emplois créés par le tourisme peuvent être occupés par des travailleurs relativement peu qualifiés qui fournissent des services personnels aux visiteurs. De même, le développement d’un tourisme responsable dans une région empêche l’émergence d’autres alternatives comme l’activité industrielle lourde ou la construction immobilière, toutes deux dévastatrices pour les populations indigènes.
Le succès du tourisme « indigène » pose toutefois plusieurs défis. La plupart des zones rurales sont incapables d’accueillir un tourisme de masse sans subir des transformations spectaculaires, avec l’implantation d’hôtels, la mise en place de parkings, d’établissements de restauration ou encore de centres commerciaux.
Des Kaibab aux Cherokees… les disparités « touristiques » sont criantes
Les individus et les communautés diffèrent fortement quant à leur « tolérance » au tourisme, mais aussi quant à leur vulnérabilité économique. Les Kaibab Paiutes du nord de l’Arizona ont créé une installation touristique dans la réserve et ont gardé le contrôle de son développement. L’expérience a d’ailleurs fait l’objet d’une étude en vue d’une potentielle généralisation dans d’autres régions. A l’opposé, les Cherokees de l’est de la Caroline du Nord souffrent d’un tourisme de masse qui coche toutes les mauvaises cases. La majeure partie des bénéfices tirés du tourisme de la région revient aux investisseurs non-amérindiens qui possèdent ou gèrent des installations génératrices de revenus : hôtels, centres commerciaux, casinos, etc.
Cette économie cyclique oblige de nombreuses personnes à recourir à l’aide sociale pour survivre, notamment pendant l’hiver glacial. Les Cherokees ont vu leur mode de vie se diluer, puis changer drastiquement, avec une pression inhabituelle et des disparités criantes. En somme, les Cherokees connaissent une activité touristique frénétique pendant six mois, avant de sombrer dans l’isolement et la dépendance à l’aide étatique pendant l’autre moitié de l’année.
La plupart des Cherokees dont l’emploi dépend des touristes travaillent à bas salaire comme cuisiniers, femmes de ménage ou vendeurs. D’autres enfin arborent des vêtements traditionnels, parfois inventés de toute pièce, pour s’afficher devant les boutiques touristiques ou apporter ce cachet « folklorique ». Les touristes semblent prêts à accepter ces stéréotypes, le plus souvent par ignorance, car ils correspondent à leurs propres idées préconçues sur ce qu’est un Amérindien.